Béatrice Sokoloff

 

 

DÉMARCHE

 

Il y a plus de trente ans, j’écrivais : « Chercher le trait. Mais que le tracé en annule le poids et qu’il n’en reste que le délié ».

Plus tard, j’ai reconnu ce trait, lorsque j’ai commencé à pratiquer la calligraphie chinoise et que j’ai découvert, à travers les travaux de François Cheng, un espace pictural où dessin et peinture ne font qu’un dans le trait de pinceau porté par le souffle.

Depuis, cet art du trait inspire ma façon de travailler, quel que soit le moyen choisi en peinture, gravure, dessin. Le trait est inscription de l’énergie du corps qui peint, dessine ou grave ce que lui montrerait du monde un œil dont la vision serait d’abord tactile. Inscription sans repentir, jaillie de la concentration dans l’espace de l’instant, plénitude de l’immédiateté.

« Je suis ce que je vois », pour reprendre la belle formule d’Alexandre Hollan.

Dans mes œuvres, je cherche à exprimer une connivence avec le monde définie au-delà de l’opposition entre sujet et objet. Dans ce sens, je suis ce corps qui trace le corps de l’arbre et s’y reconnaît, comme dans l’espace enveloppant et scintillant de la forêt primitive ou celui, plus intime, du jardin. La perception intériorisée est restituée au monde à travers l’œuvre.

Dans mon travail, les thèmes de l’arbre, de la forêt, du jardin s’entrecroisent depuis plusieurs années avec celui du corps – intuition d’une co-naturalité entre l’humain et le monde, dans des formes qui transcendent les apparences. Le geste qui crée l’œuvre est comme un retour inlassable aux origines, à un état de nature, avant les mots.

BÉATRICE SOKOLOFF