Béatrice Sokoloff

 

 

Exposition Polyphonie du noir

Texte de présentation du catalogue de l’exposition Polyphonie du noir, Galerie Alain Piroir 2010.

Gravure sur cuivre, eau-forte, pointe sèche, aquatinte, lithographie, collagraphie : le défi, pour Béatrice Sokoloff, consiste à déployer une grande diversité de techniques afin d’animer la surface et d’en explorer la texture. Ce travail s’effectue dans une pratique de la réversibilité : certaines gravures particulièrement denses paraissent en effet former un treillis de lignes et de formes en noir sur fond blanc mais, du même coup, on peut les imaginer produites par des éclats, des jours, des échappées de lumière surgis à travers un tressage serré du noir. Une telle ambiguïté crée le dynamisme constant auquel s’attache cet art de l’occupation de l’espace. L’expérience des lignes et des formes, du noir et du blanc (avec quelques apparitions de plages colorées) constitue l’essentiel de cette démarche infinie dont la figure est l’entrelacs. Qu’elle se donne les titres symboliques ou exotiques d’Amazonie ou de Jardin, ce n’est pas la figuration naturelle ou l’impression de voyage qui doit retenir l’attention, mais la tension entre le cadre et le chaos, entre la profusion et sa coupure par les limites de l’espace. Certes, on peut déceler les marques de la prolifération végétale (tiges, branches, feuilles), mais aussi les signes de l’architecture organique (vaisseaux, réseaux, organes) ou les traces de la vie retenues dans le minéral (cassures, strates, fossiles). Ainsi, la gravure rejoint-elle les processus d’empreinte de la matière. En fait, elle en est au plus près, car l’iconographie s’ajuste exactement aux matériaux de l’artiste : outil, métal, plaque, encre. Et à ses gestes : incision, inscription, répétition. Si des représentations fragmentaires font apparition, il s’agit d’effets du cadrage et de la technique. Ces paysages (arbres, feuilles, fruits, reflets) restent des projections de l’esprit. En réalité, en plus des techniques employées, Béatrice Sokoloff fait varier les plans, recourant souvent aux plans rapprochés sur les détails de la matière, ainsi que les degrés de densité et d’agitation de la surface. Processus d’abstraction qui laisse parfois osciller l’oeuvre vers des éclaircies figuratives et intensifie sa polyphonie.

ANDRÉ LAMARRE